Matoufilou

« L'une des dĂ©chirures propres Ă  la poĂ©sie », c'est que, « ce qui est devant moi, au moment oĂ¹ je le dis, il faut justement qu'il ne soit plus. Les objets soumis Ă  l'Ă©preuve du poème, pour pouvoir briller d'un vif Ă©clat, doivent cesser d'Ăªtre ce qu'ils sont pour devenir langage. » Avec ce paradoxe que « dans le mĂªme temps le langage les sauve et les porte Ă  leur Ăªtre. » (Fabrice Midal, Pourquoi la poĂ©sie ? L'HĂ©ritage d'OrphĂ©e, Pocket, 2010). Lisant cela, je songe Ă©galement Ă  la photo, oĂ¹ c'est le mĂªme principe : ce qui a Ă©tĂ© pris en photo (l'objet de la prise de vue) n'est dĂ©jĂ  plus, est devenu langage. Et cependant c'est par ce langage qu'il existe, et qu'il prend Ă©ventuellement une existence nouvelle, devient, pour reprendre une expression dĂ©sormais galvaudĂ©e, une rĂ©alitĂ© « augmentĂ©e ». Ce paradoxe confirme le cousinage (Ă  mes yeux du moins) de la photo et de la poĂ©sie. La « dĂ©chirure » propre Ă  la photo, c'est qu'elle ne fait exister son objet qu'en le faisant disparaĂ®tre.
15 Commentaires
  1. Bonne idée mais le décalage de tonalité et de de niveau me paraît trop important.

  2. j’aime beaucoup celle de gauche. Cet Ă©clat de lumière sur l’Ă©cume…
    Belle année Matoufilou!

  3. M.HR a eu l’idĂ©e avant moi… Pour que le diptyque fonctionne peut-Ăªtre suffisait-il de mettre l’horizon de la mer au mĂªme niveau.

  4. D’accord avec les horizons de niveau (comme dit ci-dessus) mais il faudrait aussi que celui de droite soit … “horizontal” ? On amĂ©liorerai dĂ©jĂ  beaucoup cet ensemble mĂªme si cela risque encore d’Ăªtre insuffisant …

  5. C’est une tentative. Je me doutais que les questions du niveau et de l’horizon “plane” allaient ressurgir. Sachant que j’ai optĂ© volontairement pour le contrepoint, dans la tonalitĂ©, le niveau, la taille et le positionnement des phares. L’idĂ©e Ă©tait de mettre en valeur la particularitĂ© de chacun des deux phares, quitte Ă  dĂ©stabiliser le regard.

  6. J’avais bien compris qu’il s’agissait d’une tentative. L’exercice est difficile. Les leçons Ă  en tirer profiteront Ă  tous.
    Le regard est effectivement dĂ©stabilisĂ©, mais cette dĂ©stabilisation ne sert pas ton intention de l’attirer sur les diffĂ©rences entre les deux phares.
    Bon, va falloir s’y remettre.

  7. Peut-Ăªtre pas nĂ©cessairement, dans ce cas, avec celle-ci, dont j’entends qu’elle ne nous Ă©claire pas… Je vais continuer Ă  bosser le contrepoint sur d’autres vues.
    Cela a Ă©tĂ© mon occupation de la semaine dernière, Ă  l’heure du premier sommeil des enfants, et ce sera ma sĂ©rie de janvier.
    Pour le plaisir, je vais quand mĂªme vous remettre la Jument dans sa version d’origine, mĂªme si l’horizon n’est pas plane !!!
    Ar gazeg ruz. La jument rouge, comme on dit en breton.

  8. Bon finalement non, pas de Jument rouge, ça n’apporte rien de plus…
    Pour info, le phare de gauche, c’est la sortie du Conquet, et mon tout mène donc Ă  Ouessant, vous aurez reconnu.

  9. Le phare qui m’est le plus familier est celui du Grand Jardin en arrivant sur Saint Malo.

  10. Diptyque, tri … ou autres insectes, un sujet difficile car trouver le savant dĂ©sĂ©quilibre qui doit prĂ©sider Ă  cet exercice est une science inexacte oĂ¹ le ressenti est matière importante et donc Ă©minemment volatil. Les enfants ont intĂ©rĂªt Ă  Ăªtre sages …

  11. Pour te donner une idĂ©e des rĂ©flexions contrastĂ©es que l’on peut recueillir : https://www.lavieengris.com/?p=68273
    Tout le monde n’est pas d’accord mais cela reste une recherche intĂ©ressante !

  12. Oui, c’est une prise de risque intĂ©ressante, graphiquement (c’est le cas de ton triptyque, que je trouve très rĂ©ussi), mais aussi sur un autre plan, que je ne saurais trop expliquer… D’oĂ¹ l’envie de creuser, pour voir oĂ¹ ça mène.
    Je pars d’un constat : depuis le dĂ©but de mon parcours ici, il y a quelques mois, je teste un ressenti, avec une vue, et je le conforte, ou le corrige, avec une autre vue. Un modèle avec son complĂ©ment, ou un modèle avec son contraire.
    Ce jeu de piste s’est imposĂ© Ă  moi sans intention prĂ©alable, au fil des pas, dès les premières photos…
    Entre ce qui sĂ©pare et ce qui rĂ©unit, ce qui diffère et ce qui ra/ressemble, la frontière est incertaine et parfois tĂ©nue. Et cette incertitude, ce flottement me vont bien (c’est comme Matoufilou : entre maths et philo, je n’ai jamais su choisir).
    Si bien qu’Ă  force de poser une photo en contrepoint d’une première, l’idĂ©e de bosser sur le diptyque est presque devenue une Ă©vidence.
    Je verrais ensuite, en fonction de vos réactions, ce qui marche ou pas.
    Chouette perspective !

  13. J’aime bien l’idĂ©e de faire correspondre les deux photos , mais moi aussi j’aurais alignĂ© les deux horizons , pour crĂ©er un fil entre les deux .
    Ce diptyque me rappelle un « cadavre exquis » que j’avais fait ,il y a dĂ©jĂ  beaucoup trop de temps ,avec une de mes photos et une autre de Plume Moreno qui faisait se rejoindre “sa” Corse et “mes” CĂ©vennes…
    https://www.lavieengris.com/?p=34711

  14. Beau travail, très intéressant !

  15. @ Henri : Ce cadavre exquis était excellent, avec deux très belles vues.
    Il jouait sur le rapprochement, mais je pense qu’on doit aussi pouvoir jouer sur la dissemblance.
    J’en ai rĂªvĂ© cette nuit : avec le “pliĂ© en deux”, on multiplie les possibilitĂ©s d’histoires. On met de la distance entre deux images proches, ou on rapproche deux images Ă©loignĂ©es, et par lĂ  on introduit potentiellement de la profondeur.
    C’est le principe de l’image animĂ©e… Et c’est le mĂªme principe qui prĂ©side aux superpositions d’un GBertrand (avec en plus la technique distanciante du pictorialisme), aux montages d’un JMLG ou aux “bricolages” d’une Maria.
    @ Jean : Merci.
    @ Tous : Merci de permettre l’ouverture (ou la rĂ©-ouverture) de ces champs d’expĂ©rimentation et de rĂ©flexion.

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