Personnellement, le plaisir que j’ai de prendre des photos est d’abord et surtout celui d’avoir vu l’image avant de la prendre. Et en la voyant, le plaisir d’imaginer ce que je peux en faire avec les traitements que j’aime bien et par exemple un beau Noir & Blanc. Que l’IA existe ne changera rien Ă ce plaisir-lĂ !
Dans le dernier numéro de Réponses photo, Philippe Durand nous livre un article à la fois très riche au plan informatif et fort des questions qu’il soulève au sujet des outils s’appuyant sur l’IA pour produire des images ayant l’apparence des photographies telles que nous avons l’habitude d’en voir et de considérer comme telles.
Quelques réflexions, en vrac, pour nourrir le débat :
– Le sous titre de son article est intitulĂ© « Comment l’IA est devenue photographe ». C’est pousser le bouchon un peu loin. L’IA apparaĂ®t plutĂ´t comme un outil utilisĂ© par un couple homme-machine pour produire des images qui,peuvent ressembler Ă des photos, mais l’IA ne photographie rien et ne dĂ©cide rien par elle mĂªme, Ă la diffĂ©rence d’un photographe.
– Une question n’est pas abordĂ©e par Philippe : peut on faire au moyen de l’IA des photos comme on fait avec un AP ? Par exemple cadrer et dĂ©clencher pendant une promenade en forĂªt comme Ă le faire notre ami Estienne ? Je ne le pense pas, le champ de ce qui est possible de faire avec un AP ne coĂ¯ncide pas totalement avec celui de la production d’images rĂ©alisĂ©es avec l’aide de l’IA.
– Peut on appeler photo une image produite sans photon, c’est Ă dire sans lumière. Ne faut il pas plutĂ´t lui trouver un autre nom ce qui pourrait permettre de dĂ©boucher sur une forme et une pratique artistique (ou pas) distincte et originale. Tout comme la photo a fini par exister distinctement de la peinture. LibĂ©rons cette pratique de la rĂ©fĂ©rence pesante Ă la photo (comme l’est l’image Ă la manière de Martin Parr publiĂ©e avec l’article) si c’est possible.
– Par contre il apparaĂ®t quasiment certain, comme le suggère Philippe que le marchĂ© de l’illustration ou celui de la photo de mode risque de se restreindre Ă l’avenir pour les professionnels (comme il s’est dĂ©jĂ restreint dans d’autres domaines).
Voila pour l’instant, à vous de réagir
PS Pour moi, sans jugement de valeur, une photo, c’est une trace de lumière sur une surface sensible.
MRVR
RE PS relevant de l’action volontaire ou pas d’un opĂ©rateur humain ou pas.
MRVR
Et le plaisir du photographe ? Et l’art ? En photographie, l’art est de voir … Jean Fraipont a une citation dans sa prĂ©sentation qui illustre bien mieux que moi ce qu’est l’art de la photographie et IA ou pas, c’est cela qui motive mon plaisir !
Étienne on peut imaginer avoir un certain plaisir en voyant apparaĂ®tre sur un Ă©cran une image qu’on a imaginĂ©. Mais je n’appelle pas ça de la photographie.
MRVR
J’ai en tĂªte des tas d’images et je n’attends que les circonstances favorables pour les rĂ©aliser. J’entends par “circonstances favorables” de voir ce que j’ai imaginĂ© pour, Ă ce moment-lĂ , transcender ce que j’avais en tĂªte.
Et j’ai aussi beaucoup de plaisir au final quand j’imprime mon image de la voir lentement sortir de l’imprimante mais c’est comme un accouchement, cela fait plusieurs jours que je souhaite cet instant … et parfois je suis déçu et je remets mon ouvrage sur le mĂ©tier pour arriver Ă ce dont je rĂªve. Et j’en suis le vrai titulaire et responsable. J’ai “maĂ®trisĂ©” de bout en bout la rĂ©alisation depuis le moment oĂ¹ j’ai vu ma photo puis que je l’ai prise jusqu’au moment oĂ¹ l’imprimante relĂ¢che la feuille de papier-photo …
Donc il ne fait pas s’attendre Ă voir ton nom dans la Vie en IA. Ca tombe bien, le mien n’y sera pas non plus.
VoilĂ des commentaires bien pertinents et excellents.
Si je dĂ©cale un peu le dĂ©bat, il me semble bien avoir aperçu ici ou lĂ (sur l’un ou l’autre de rĂ©seaux sociaux que je frĂ©quente) des photographies tellement parfaites (composition, lumière, cadrage, etc.) qu’on en vient immĂ©diatement Ă douter qu’elles puissent Ăªtre l’oeuvre d’un “vrai” photographe. Si bien qu’arrive cette idĂ©e que ces images contiennent en elle-mĂªmes tellement de ce qu’elles sont mĂ©caniquement que personne ne peut Ăªtre dupe de leur origine. Peut-Ăªtre un peu trop optimiste…
Oui, je me souviens d’une photo de mode qui rĂ©sultait en fait de l’addition d’une multitude de photos. L’image finale relevait peut Ăªtre dĂ©jĂ davantage de ce que l’on obtient avec l’IA que de nos pratiques photographiques.
MRVR
Sujet compliquĂ© et vieux dĂ©bat. Pour moi la photo prĂ©sentĂ©e par Philippe est bien une photo. Le produit fini est une photo. Maintenant, une photo qui n’est pas prise par un photographe est-elle encore de l’art ? C’est une production, ça donne Ă lire du rĂ©el, Ă©ventuellement des critères esthĂ©tiques prĂ©ludent au choix de la photo, mais l’art va au-delĂ de tout ça. Pour autant, ici, nous qui produisons des photos, sommes-nous tous des artistes ? Pour ma part, je n’y prĂ©tends pas. Quelle diffĂ©rence donc entre la machine et moi ? Et franchement je ne suis pas jaloux de la machine qui a produit cette superbe vue, car j’ai un truc de plus qu’elle : je prends du plaisir Ă faire de la photo.
Puis quand je vois ce qu’on fait avec Photoshop depuis 25 ans, quelle diffĂ©rence avec l’IA d’aujourd’hui ? Ça va plus vite et c’est encore plus simple qu’avant, il suffit quasi d’un message vocal, mais il y a longtemps que la photo des magazines est davantage l’affaire d’informaticiens que de photographes… Par contre, ce qui m’interroge et m’inquiète c’est le statut de la rĂ©alitĂ©. Elle est oĂ¹ la rĂ©alitĂ© dans toutes ces manipulations ? Qu’est-ce qu’on en fait ? Qu’est-ce qu’on veut en faire ? Et pourquoi ? La rĂ©alitĂ© a toujours Ă©tĂ© tordue par des manipulateurs dans tous les domaines, mais Ă quelle fin ? OĂ¹ s’arrĂªte-t-on ? Le vrai sujet, pour moi, il est ici.
Bonjour Matou
Pas d’accord avec toi sur le 1er point. Ce qu’a publiĂ© Philippe sur LVEG n’est pas une photo mais une extraordinaire image de synthèse ressemblant Ă s’y mĂ©prendre Ă une photo. Et le problème est bien qu’on s’y mĂ©prend. On prend la vessie pour une lanterne et c’est bien le but poursuivi par les promoteurs de ce produit.
Sur nos prétentions artistiques, je partage totalement ton opinion. Restons humbles.
Je suis Ă©galement d’accord avec toi sur le fait que l’IA s’est dĂ©jĂ infiltrĂ© dans nos photos avec l’apparition des APN. Il y a dĂ©sormais des traces d’IA dans nos photos. De mĂªme et ça nuance mon premier propos, il y a des traces de photo dans les images produites par l’IA.
Autre interrogation futuriste, les images produites par l’IA pourront elles s’Ă©manciper de la rĂ©fĂ©rence servile et mercantile Ă la photo, pour devenir un moyen d’expression original ? Il y a tout lieu de craindre que ce soit la tendance qui rencontrera l’intĂ©rĂªt du marchĂ© de l’image qui l’emportera, l’Ă©thique et l’humanisme ne pèseront pas lourd dans la balance.
MRVR
PS je voulais parler d’images produites au moyen de l’IA plutĂ´t que d’images produites par l’IA. C’est plus qu’une nuance.
MRVR
Cet article, au-delĂ d’informer sur ces technologies nouvelles, Ă©tait Ă©crit pour lancer le dĂ©bat, ravi de voir que cela fonctionne !
Dans les rĂ©actions que l’on peut avoir aujourd’hui, forcĂ©ment parfois Ă©pidermiques, il faut Ăªtre conscient que l’on est encore en phase d’expĂ©rimentation, on ne mesure pas jusqu’oĂ¹ ces technos vont aller et ce Ă quoi elles vont servir.
En restant dans le domaine photographique, il y a sans doute un potentiel pour les utiliser dans son propre travail, avec une vĂ©ritable dĂ©marche artistique. Si je peux entrainer l’IA avec mes propres images, est-ce que cela peut m’apporter quelque chose, est-ce que cela ouvre de nouvelles directions ? Savoir si ensuite cela mĂ©rite ou pas le nom de photographie, est-ce vraiment important ?
Perso, je pense tout de mĂªme que les mots ont leur importance et j’ai du mal Ă supporter le dĂ©tournement de leur sens de plus en plus frĂ©quent dans notre sociĂ©tĂ©, ce n’est pas dĂ©pourvu d’enjeux sociaux, Ă©conomiques, politiques …
Pour ma part, je persiste Ă penser que la photo-graphie est une chose et que l’ image/IA en est une autre . Pour autant ces deux mondes ne sont pas Ă©tanches l’un par rapport Ă l’autre. Par exemple, dans ton article, ton selfie (très sympathique) est bien une photo que l’IA transforme, en suivant tes indications, avec ses algorythmes une peu comme un logiciel de retouches de photos hyper puissant. C’est diffĂ©rent des autres images visibles dans ton article oĂ¹ la trace photo-graphique est nettement moins perceptible mĂªme, si j’ai bien compris, elle n’est pas tout Ă fait absente.
Par ailleurs, je comprends très bien que l’on puisse prendre du plaisir (artistique ou pas, qu’importe) Ă une telle pratique. Il n’y a aucune raison de la considĂ©rer avec mĂ©pris. L’inquiĂ©tude pourrait pointer notamment avec l’usage commercial jouant sur l’ambiguĂ¯tĂ© qui pourra en Ăªtre fait.
En tout cas, encore merci pour ton article stimulant, en espĂ©rant que tu continueras Ă nous tenir informĂ©s…
PS Si j’Ă©tais plus jeune et plus agile intellectuellement, je me lancerais peut Ăªtre dans une activitĂ© images/IA, mais en cherchant surtout Ă faire autre chose que des ersatz roublards de photo-graphies, quelque chose d’original. Ça doit Ăªtre possible, non ?
Personnellement, le plaisir que j’ai de prendre des photos est d’abord et surtout celui d’avoir vu l’image avant de la prendre. Et en la voyant, le plaisir d’imaginer ce que je peux en faire avec les traitements que j’aime bien et par exemple un beau Noir & Blanc. Que l’IA existe ne changera rien Ă ce plaisir-lĂ !
Pour ma part, le plaisir (ou la déception) est plutôt au bout du processus.
Est-ce la fin de l’homo-sapiens avec les sinars, linhofs, hasselbad, leicas, nikons, etc…
Peut Ăªtre pas, ne serait ce que parce que l’IA ne peut fonctionner sans Ăªtre alimentĂ©e par une multitude de photo-graphies qui lui permettent de produire des images.
MRVR
Je ne sais si on aura toujours besoin des photographes, mais ce qui est certain c’est qu’on aura toujours besoin des philosophes, pour dĂ©crypter ce monde qui va toujours plus vite et rĂ©flĂ©chir Ă la diffĂ©rence de plus en plus flagrante entre rĂ©alitĂ© et vĂ©ritĂ©.
Soyons tous philosophes !
MRVR
ProfondĂ©ment questionnĂ© par l’usage de l’intelligence artificielle dans le domaine de la photo, je viens d’acheter Ă mon tour le “RĂ©ponses photo” n°357 de mars, et tout me semble dit dans l’Ă©dito de Thibaut Godet : “C’est surtout notre rapport au rĂ©el qui se trouve chamboulĂ© par cette technologie. Sans vouloir prophĂ©tiser, on verra sans doute bientĂ´t un clichĂ© gĂ©nĂ©rĂ© par une IA remporter un concours de photographie. (…) L’intelligence artificielle pose aussi des questions sur la facilitĂ© de fabriquer de fausses informations, que ce soit en images avec la panoplie de programmes existants ou en mots avec un outil tel que Chat GPT. La photo comme tĂ©moin d’un Ă©vĂ©nement, dĂ©jĂ Ă©cornĂ©e par Photoshop, pourrait bien finir de perdre son sens. Dans les mĂ©dias, il faudra trouver des solutions pour garantir la vĂ©racitĂ© des photographies et, Ă plus grande Ă©chelle, savoir repĂ©rer les faux clichĂ©s. Les professionnels de l’image devront plus que jamais interroger le contenu des photos, vĂ©rifier les mĂ©tadonnĂ©es, dĂ©cortiquer les fichiers, pour ne pas se laisser duper et risquer de tromper le public dans la foulĂ©e.”
Oui, d’une certaine façon, cette technologie nous amène Ă nous interroger sur ce qui nous semblait aller de soi.
MRVR
Les usages de l’IA , GPT 3 , le traitement automatique du langage, quelques analogies avec les images/IA:
https://www.contretemps.eu/galilee-gpt-3-intelligence-artificielle-krivine/
La continuitĂ© d’une très très longue histoire : https://www.arte.tv/fr/videos/110342-003-A/le-dessous-des-images/