Lannion, 31 octobre 2022.
Là-haut, à Berlevenez, la pluie redouble et sous le porche une dame en noir m’invite à entrer. Elle allait verrouiller la lourde porte mais se fait une joie de me proposer la visite. L’édifice est riche : dalle gravée d’une croix de Malte, splendides voûtes romanes, piliers sculptés, crypte sous le maître-autel… Moment de grâce ! Nous sommes le soir de la Toussaint, le soir d’Halloween, et j’ai l’impression que dans l’église désertée les morts sont convoqués : ils dansent le long des murs, sur les chapiteaux, sur les dalles de la nef, dans le déambulatoire. En sortant j’ai eu le sentiment d’avoir rêvé cette rencontre…




Matoufilou

« L'une des déchirures propres à la poésie », c'est que, « ce qui est devant moi, au moment où je le dis, il faut justement qu'il ne soit plus. Les objets soumis à l'épreuve du poème, pour pouvoir briller d'un vif éclat, doivent cesser d'être ce qu'ils sont pour devenir langage. » Avec ce paradoxe que « dans le même temps le langage les sauve et les porte à leur être. » (Fabrice Midal, Pourquoi la poésie ? L'Héritage d'Orphée, Pocket, 2010). Lisant cela, je songe également à la photo, où c'est le même principe : ce qui a été pris en photo (l'objet de la prise de vue) n'est déjà plus, est devenu langage. Et cependant c'est par ce langage qu'il existe, et qu'il prend éventuellement une existence nouvelle, devient, pour reprendre une expression désormais galvaudée, une réalité « augmentée ». Ce paradoxe confirme le cousinage (à mes yeux du moins) de la photo et de la poésie. La « déchirure » propre à la photo, c'est qu'elle ne fait exister son objet qu'en le faisant disparaître.
5 Commentaires
  1. Ces belles pierres vivront probablement plus longtemps que l’électronique bretonne.
    MRVR

  2. La dame en noir sera t elle sur la prochaine photo ?
    MRVR

  3. Non, la dame en noir n’est pas le sujet. le sujet c’est l’atmosphère qui règne entre ces voûtes. S’il est une dame en noir ici, elle est en l’air, impossible à photographier, et dîne tous les soirs chez le dieu Sucellos…

  4. on imagine se déplacer là à la seule lueur d’une bougie, avec toutes ces arcades qui vibrent.

  5. L’ampleur révélée par la lueur d’une bougie, voilà quelque chose qui me parle dans cet environnement …

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